Bon, pas de sieste aujourd'hui. [ Sigvard ]

Alan m’a laissée sortir plus tôt que d’habitude ce matin. Sûrement parce que le collège reprend. Du coup, il se réveille plus tôt et me laisse partir traîner. Bref. Donc pendant toute la matinée, j’ai arpentée de long en large les limites de mon territoire. Et maintenant, je suis assez fatiguée... Donc je me dirige vers mon endroit de sieste préféré : le banc du vieux jardin.

Finalement, j’arrive devant la clôture du jardin abandonné. Je pourras sauter par dessus, comme d’habitude, mais cette fois si, prise d’une grosse flemme, je préfère passer par le vieux portillon. Donc je pousse du bout du museau le petit loquet, puis je passe entre les mauvaises herbes désormais assez hautes. Enfin, quand mon banc est à portée de vue, je m’y dirige, bondis dessus et m’y allonge. Mais une odeur canine vint interrompre ce début de sieste.

Mon odorat m’indique qu’il y avait en faite quatre chiens. Mais trois viennent de partir. Tant mieux, moins y’a de chiens, pus je peux dormir. Mais bon, il en reste encore un. Un qui vient gâcher ma sieste. Je grommelle un peu puis me lève sur mon banc avant de m’étirer longuement.

Je respire encore un peu l’air environnant. Cette odeur, je la connaît... Sigvard ! Ce chien là m’avait laissé quelques cicatrices lors de notre combat. Il est puissant, ce chien. Je me rappelle, je lui avait refusé l’accès à ma meute alors qu’il en avait besoin. Tout ça pour une simple histoire de bannissement. J’étais jeune et bornée à cette époque là... Bon, je le suis toujours, mais je suis plus mature. Enfin si on peut dire.

Bref. Je descends de banc et le cherche du regard. Bon, je ne le vois pas, mais je le sens. Il n’est pas loin. Je reste debout, tout de même sur mes gardes [ des fois qu’il tente de se venger ], puis je lance d’un ton neutre, sans agressivité ni sarcasme :

- Tiens, comme on se retrouve.

Finalement, je le vois. Enfin je le repère grâce à son petit soupire agacé. Ahah, beaucoup de personnes ont cette réaction en me voyant approcher. Oui, je ne suis pas très aimée des autres et en plus, ça me fait rire. En même temps, j’suis pas là pour plaire à tout le monde. Je suis là pour protéger Alan et ma meute. Les deux choses pour lesquels je me sacrifiais sans hésiter.

Bref. Il reste non loin de moi, à l’arrêt et me faisant dos. Je le regarde : Il n’a pas vraiment changé, il a juste quelques cicatrices en plus et surtout des muscles plus saillants et imposants que lors de notre toute première rencontre. Il doit être devenu un grand guerrier.

- Que me veux-tu ?

Je le regarde, toujours dos à moi. Je m’assois dans l’herbe, assez confiante. Il ne semble pas menaçant. Et puis, au pire, je sais très bien me défendre. C’est pas parce que je suis une femelle que je suis faible. C’est vraiment du n’importe quoi. C’est plutôt ceux qui pensent comme ça qui sont faibles. Finalement, je lui réponds :

- Rien de mauvais.

Un vent froid se lève d’un coup, mes poils volent dans tout les sens. Il se retourne vers moi. Je nous revois, dans le passé, la pluie tombant à drue. Nous deux, trempée sous la tempête, face à face comme deux fiers adversaires. J’avais gagnée. J’en suis sûre, il s’en souvient aussi.

Mais j’ai changée. Bien sur, on a tout les deux prit en mental et en physique. Mais j’ai surtout prit en maturité. Maintenant, je sais que j’ai fais une erreur en le rejetant. Je pensais seulement à ma meute, comme tout les jeunes chefs.

Finalement, il se retourne et commence à avancer. Je le regarde un peu, ne sachant pas trop quoi faire. Peut-être que le revoir est l’occasion pour régler nos vieux comptes ? Autant saisir cette chance. Toujours face à son dos, je lui lance :

- Sigvard ?

Il s’arrête quelques secondes, semblant réfléchir. Puis il repart. Il ne me pardonne pas. Je le suis, il accélère. Au bout d’un moment, il me sème. j’entends des grognements, des couinement. L’odeur du sang et de la mort envahit l’air. Je me précipite vers le lieu d’où provient tout se bruit et découvre avec horreur un cadavre de chien défiguré. Puis je retrouve la trace de Sigvard. C’est lui qui a tué ce chien.

Il continu son chemin. Je contourne le chien mort et suis le berger allemand, tentant de chasser la vision du cadavre de mon esprit. Bien sûr, j’ai déjà vu des morts, j’ai déjà tué, mais le fait de penser que la victime avait peut-être une famille me déstabilise. Je ne le montre pas, mais je le ressens.
Je le poursuis encore quelques minutes. Il continu à m’ignorer. Finalement, presque à bout de nerfs, je lui cris :

- Tu veux que je fasse quoi pour te prouver que je suis réellement désolée !?

Je m’assois sur le sol doux et espère secrètement qu’il va me répondre. Je suis prête à beaucoup de choses pour ça. Je ne sais pas pourquoi, mais le fait qu’il me pardonne me tient vraiment à cœur.

Assit en face de moi, il plante son regard profond dans le mien, puis il attend. Les secondes passent, puis les minutes. Toujours rien. Je laisse mon regard dans le sien, à la fois hypnotisée et prise d’une sorte de malaise. Mais je ne le montre pas et soutient son regard émeraude. Une demi heure à bien du passer, quand il se lève et fait un petit pas vers moi avant de prononcer ses mots que j’espère depuis longtemps :

- Je te pardonne.

Un sourire apparaît sur son visage, un sourire qui me fait chaud au cœur. Enfin. Enfin, il me pardonne de mes erreurs du passé. Je lui adresse un de mes rares sourires. Puis il se lève, se retourne et s’en va à mon opposé. Je suis heureuse. J’ai enfin réussis. Toujours assise, je prononce sincèrement ce simple mot exprimant tout ce que j’ai sur le cœur :

- Merci.

Tout en avançant sur cette vieille route de goudron presque inutilisée, le fier berger allemand me répond :

- La vie apprend à savoir pardonner. A tout pardonner.

Ce chien m’intrigue. Un sentiment de puissance et de mystère se dégage de lui. J’aimerais le comprendre, le connaître... Mais comment ? Alors qu’une fine pluie nous tombe dessus, je le regarde s’éloigner, suivre cette route qui l’emmène au loin. Je ne sais pas ce qu’il se passe, je veux le retenir. Mais je ne fais rien.

Puis, d’un coup, il s’arrête, semblant hésiter. Hésiter sur quoi ? Je ne bouge toujours pas, lui non plus. Il reste dos à moi, je réfléchis, je pense. Pourquoi s’arrête-t-il alors que son destin semble être là-bas ? Peut-être que quelqu’un ou quelque chose le retient ici... Mon souffle se bloque, attendant un geste, une parole de sa part.

Il se retourne, me fait face, puis s’avance calmement. Mais que fait-il donc ? La pluie continu de crachoter doucement, je le regarde faire, me posant milles questions sur ce mystérieux individu. Et surtout, pourquoi m’intrigue-t-il autant ? Je secoue la tête pour chasser mes questions, qui prennent beaucoup trop de place dans mon esprit à mon goût.

Le vent souffle doucement, faisant voleter mes poils, je frissonne. Il passe à coté de moi sans se retourner, tel un guerrier inébranlable, à la poursuite de son destin. Je reste debout, face à cette route, face à d’autres horizons. Peut-être que là bas, il y a les chiens qui m’ont recueillit ? Peut-être que mon destin a moi est là bas ? Non. Je dois rester ici, pour ma meute, pour mon petit maître. Ma vie est ici.

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